samedi 6 juin 2015

L’Iran progresse en Irak avec l'appui russe


Alors que l’Irak continue à lutter contre Daech, l’Iran se concentre tranquillement sur la constitution d’un État parallèle dans le pays.  La perte de Ramadi dans la province agitée d’Anbar en Irak a surtout été perçue comme un échec important de la politique américaine en Irak. Alors que de hauts responsables américains ont essayé de retourner la faute sur les forces irakiennes, la stratégie confuse et en demi-teinte de l’Amérique contre le groupe État islamique (Daech) est apparue clairement.
En revanche, la campagne parallèle de l’Iran contre Daech a donné un bon coup de pouce, comme en témoigne l’entrée des milices chiites dans l’arène d’Anbar.
En Irak, l’échec de l’armée entrainée par les Américains et les Britanniques est, par définition, une victoire pour l’Iran, qui a tranquillement développé une force de combat efficace sous la forme de milices et de groupes spéciaux.

Selon toute vraisemblance, l’Iran intensifie son implication en Irak en essayant de fusionner les milices disparates en une seule force cohérente. Cela indique une stratégie à long terme pour développer un État parallèle en Irak et renforcer son influence au maximum.
Mais l’existence d’une stratégie irakienne claire et intelligente ne signifie pas nécessairement l’unité complète en termes d’objectif ou de motivation à Téhéran. En effet, les forces et les intérêts concurrents ont des visions différentes du résultat désiré. Le succès à long terme de l’Iran en Irak dépend de la mesure dans laquelle ces forces peuvent travailler ensemble pour atténuer les coûts et maximiser les gains.

Conquérir Anbar

La vaste province d’Anbar en Irak est souvent présentée comme le bastion de l’identité arabe sunnite et de la résistance à l’administration à majorité chiite de Bagdad. La province a été profondément et continuellement embourbée dans des troubles depuis l’invasion anglo-américaine de l’Irak en mars-avril 2003.
 
Ce qui est moins connu sur Anbar est sa place dans l’imaginaire historique iranien. Le mot « Anbar » est en fait perse, traduit grossièrement par « entrepôt », la fonction assurée par la zone sous la dynastie sassanide, le dernier empire iranien préislamique.
Des stratèges iraniens antiques, classiques et prémodernes considéraient le contrôle de cette région comme vital pour projeter la puissance du pays plus à l’Ouest, en vue d’établir une base solide sur les rives orientales de la Méditerranée.
De nos jours, l’Iran a été en mesure d’établir une présence sécuritaire sur la côte méditerranéenne sans contrôler Anbar, un avantage dû à l’alliance de la République islamique avec la Syrie et la communauté chiite dans le sud du Liban.
Pourtant, la perspective de dépouiller Anbar doit être attrayante pour les Iraniens, notamment en raison du rôle central de cette province dans la longue guerre Iran-Irak des années 1980. Beaucoup des meilleurs officiers de l’armée irakienne, ainsi que des agents de renseignement parmi les plus efficaces et fidèles, étaient originaires de cette région.
Anbar continue d’être un foyer de sensibilité anti-iranienne, et par extension, ressent une intense aversion pour le gouvernement chiite de Bagdad, ce qui en fait un terrain fertile pour la croissance de Daech et de ses alliés.
Le gouvernement irakien a défini la « libération » d’Anbar comme la pièce maîtresse de sa stratégie de lutte contre Daech et de son vaste réseau d’alliés tribaux et sous-tribus locales. Même si Ramadi est conquise rapidement, déloger Daech d’Anbar pourrait prendre des années.
La longue campagne d’Anbar a stimulé l’Iran et ses alliés les plus fidèles à Bagdad pour accélérer la réorganisation des milices chiites. Jusqu’ici une variété de relativement grandes organisations et de petits groupes, certains d’entre eux mal dirigés et organisés, ont dominé le paysage de la milice.
La création officielle en juin 2014 d’un organisme de coordination, ce que l’on appelle les Unités de mobilisation populaire (al-Hashd al-Shaabi) (UMP), a été la première étape dans la création d’une organisation pan-milice. Ce fut une réponse directe à l’avantage considérable de Daech en juin dernier et le reflet des préoccupations répandues aux plus hauts niveaux de la communauté chiite irakienne sur l’incapacité de l’armée et d’autres forces de la sécurité nationale à contenir la menace de Daech.

Le long jeu

Malgré la création officielle des UMP, les milices ont eu jusque-là tendance à agir de façon plus ou moins indépendante, avec peu de coordination efficace avec l’armée irakienne. Cet état de confusion des choses a été mis en relief en mars-avril lors de la campagne pour reprendre Tikrit.
L’Iran a de grandes ambitions pour les UMP comme en témoigne la proche collaboration de cette entité embryonnaire avec le général Qasem Soleimani en personne, commandant charismatique de la force al-Qods, l’aile expéditionnaire du corps des gardiens de la révolution islamique (GRI).
Qasem Soleimani et les GRI aspirent probablement à créer une force semblable au Bassidj iranien en Irak. Créé en 1979, le Bassidj est une force de mobilisation populaire et agit comme le bras paramilitaire des GRI.
D’une manière générale, il y a trois acteurs et écoles de pensée iraniens sur l’Irak.
Le ministère des Affaires étrangères et ses alliés (composés de think tanks et de départements universitaires), sont un référentiel solide d’expertises liées sur l’Irak. Le point de vue dominant dans ces cercles est de construire un niveau suffisant d’influence en Irak en vue de la création d’une profondeur stratégique durable.
Le corps des gardiens de la révolution mène des opérations sur le terrain de renforcement d’influence en Irak, essentiellement avec sa force  expéditionnaire al-Qods. Son approche, tout aussi stratégique, tend à voir l’Irak à travers une lentille idéologique, notamment comme une arène de conflit avec les États-Unis et, dans une moindre mesure, avec l’Arabie Saoudite et les États du Golfe.
La troisième force est composée d’une opinion, par opposition à une institution, qui est enracinée dans le nationalisme iranien. Cette opinion a été exprimée en termes clairs en mars dernier par l’ancien ministre du Renseignement Ali Younesi, qui a affirmé que Bagdad était maintenant dans les faits la capitale de l’Iran.
Selon cette école de pensée, l’Irak est non seulement une stratégie approfondie de l’Iran, mais une extension historique du pays. Alors que des éléments favorables à cette opinion conservent une influence au sein des deux principaux acteurs institutionnels (le ministère des Affaires étrangères et de les GRI), ils ne sont pas actuellement en mesure d’influencer la politique de manière décisive.
Cet environnement institutionnel et idéologique dense sous-tend des engagements profonds de la République islamique en Irak, susceptibles de se dérouler sur plusieurs décennies.
Il reste à voir si les décideurs et stratèges politiques iraniens réussiront à gérer de façon optimale les différences institutionnelles et idéologiques devant les défis grandissants d’un Irak divisé.
Mahan Abedin
analyste de la politique iranienne et directeur du groupe de recherche Dysart Consulting.
http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/l-iran-progresse-en-irak-1317853690#sthash.VtQgwLWH.dpuf

Les S-300 russes changeront la donne au Proche-Orient

L'éventuelle vente de systèmes antiaériens russes S-300 à l'Iran modifierait radicalement le rapport des forces au Proche-Orient, écrit le journaliste du site Business Insider Jeremy Bender.

Selon lui, la livraison de S-300 apportera un double avantage à Téhéran. Ainsi, l'Iran sera en mesure de contrôler l'espace aérien loin au-delà de ses frontières et de protéger ses propres installations nucléaires.
Missiles S-300En vertu d'un accord signé en 2007, la Russie pourrait vendre à l'Iran des missiles S-300 version PMU-1 dotés d'une portée de 150 km et capables d'abattre un avion volant à une altitude de 28 kilomètres. Si l'Iran déploie des S-300 sur sa côte sud, cela lui permettra d'être au courant de tout décollage d'un avion américain depuis les bases aériennes situées dans la région du Golfe Persique, indique le journaliste.
Les systèmes russes aideront en outre l'Iran à protéger ses sites nucléaires. Selon M.Bender, la livraison de S-300 à Téhéran empêcherait une éventuelle intervention militaire en cas de violation par l'Iran de l'accord sur son programme nucléaire, car nul pays qui ne possède pas de la technologie Stealth (furtif) ne pourrait l'attaquer.
S-300
Bien que les États-Unis restent toujours capables de frapper la République islamique, la présence de systèmes S-300 en Iran rendrait les opérations militaires contre ce pays extrêmement compliquées et très coûteuses, conclut l'auteur. Le président Vladimir Poutine a signé à la mi-avril un décret levant l'interdiction de livrer des missiles sol-air S-300 à l'Iran.


La Russie entend par ailleurs signifier qu'elle ne compte pas se laisser distancer sur le marché commercial iranien. Si toutes les mesures de sanction sont levées, nous allons en effet assister à une ruée des sociétés internationales vers ce pays de près de 80 millions de consommateurs, à la population à la fois jeune, bien formée, avide d'ouverture et de consommation.
Les Américains, si prompts à faire condamner BNP-Paribas pour avoir commercé en dollars avec l'Iran, sont déjà sur place via leurs multinationales qui n'aspirent qu'à une chose: prendre un temps d'avance pour s'emparer des marchés les plus juteux, retrouver la place qui était la leur avant la révolution islamique de 1979.

En concluant un accord pétrole contre produits agricoles —et un certaines nombre d'autres marchandises — avec l'Iran, la Russie, déjà présente dans le pays sur plusieurs marchés stratégiques (dont le nucléaire civil) se place à son tour dans les starting blocks.
D'énormes enjeux dépendent de la pérennité des bonnes relations Moscou-Téhéran. L'assurance que les hydrocarbures d'Asie centrale ne disposeront pas d'un débouché direct sur le Golfe persique en premier lieu, qui priverait la Russie de leviers d'action dans son étranger proche.
La constitution d'une route commerciale Russie-Iran-Inde ensuite, qui serait de nature à resserrer davantage encore l'alliance russo-indienne, éventuellement en y intégrant une Iran qui, compte tenu de son gigantesque potentiel économique, a vocation à très rapidement rejoindre le club des BRICS si les sanctions économiques sont levées.