vendredi 28 août 2015

Par solidarité contre le terrorisme islamiste, les Algériens ont «envahi» la Tunisie

Les Algériens ont promis «d'envahir» les plages tunisiennes au lendemain de l'attentat de Sousse le 26 juin qui a fait plusieurs victimes. Eh bien, ils l'ont fait ! La preuve par les chiffres.

Alors que la saison estivale n'est pas encore terminée, les responsables du tourisme de la Tunisie ne devraient pas faire la fine bouche face à ce rush d'Algériens qui ont bravé la peur et la menace terroriste.
Et les chiffres sont, on ne peut mieux, éloquents : ils étaient, jusqu'au 20 de ce mois (août) plus de 854 000 Algériens à avoir passé leurs vacances d'été sur les plages de l'antique Carthage, a-t-on appris auprès du directeur de la représentation en Algérie de l'Office du tourisme tunisien OTT, Bassem Ouertani.
Les Algériens qui ont toujours montré leur esprit de solidarité avec leurs frères tunisiens ont tenu à faire face à la menace d'attentats qui pesait sur les stations balnéaires tunisiennes, comme ils l'ont promis. «Frères Tunisiens, ne vous en faites pas, nous allons envahir vos plages !», promettaient des centaines d'Algériens à travers les réseaux sociaux, au lendemain des attentats de Sousse. C'est désormais chose faite, puisque près d'un million de vacanciers s'est «déversé» sur les belles plages de Hammamet, Sousse et Djerba.
Selon, Bassem Ouertani, que nous avons joint par téléphone, la saison estivale en Tunisie présente, en dépit des sanglants attentats, un «bilan positif». Notre interlocuteur a salué principalement les estivants algériens qui sont venus en masse en Tunisie et dont le nombre a augmenté de 16% par rapport à l'été 2014.
«Les Tunisiens apprécient beaucoup cette réaction de solidarité et de fraternité», témoigne le directeur de la représentation en Algérie de l'OTT.

L'OTT se frotte les mains

Il dit ne pas être étonné de cet élan de solidarité entre les deux pays puisque «l'Algérie et la Tunisie ont entretenu de bonnes relations fraternelles depuis toujours et notamment depuis la guerre de Libération en passant par la décennie noire», rappelle Bassem Ouertani.
Interrogé sur le nombre de touristes étrangers ayant annulé leurs réservations, Ouertani nous expliquera qu'«il n’est a priori pas possible de quantifier les annulations ni les intentions de voyage». Le rush d'Algériens peut nettement monter crescendo, d'autant que la saison estivale bat encore son plein. Plusieurs estivants ont déjà réservé leur séjour en Tunisie pour le mois de septembre, selon quelques agences de voyages que nous avons interrogées à ce propos.

Des prix cassés pour des hôtels haut de gamme

Il faut rappeler que les attentats terroristes du musée du Bardo le 18 mars et celui de l'hôtel du port El Kantaoui le 26 juin ont mis en berne le tourisme tunisien. Plusieurs hôtels ont été contraints de baisser les volets quand d'autres ont choisi de casser les prix.
C'est ce qui a d'ailleurs motivé davantage les touristes algériens notamment à se rendre sur les plages tunisiennes.
Comme en témoignent certains d'entre eux qui viennent tout juste de renter de vacances. «Je suis parti avec ma femme et ma fille pour quelques jours de vacances à Hammamet. J'avoue que la conjoncture qui a fait que les prix et les coûts du séjour en Tunisie soient bas nous a motivés». En effet, Yanis dit avoir payé 4000 DA la nuit dans un hôtel 5 étoiles.
 
Une occasion en or que les touristes algériens ne pourront trouver ailleurs, et encore moins en Algérie. «Ma femme et moi avons opté pour ce pays, surtout que des vacances dans des hôtels et complexes de moindre qualité chez nous coûtent nettement plus cher», déclare Yanis, visiblement satisfait de son séjour.  Même constat chez Naïla qui dit avoir trouvé beaucoup plus d'avantages en allant en voiture. «Aller avec notre propre voiture a été une bonne idée parce que nous avons fait beaucoup de déplacements», avoue notre interlocutrice.
Et d'ajouter : «Nous avons passé un agréable séjour en Tunisie où nous n'avions manqué de rien. Les gens sont accueillants et ça se voit qu'ils ont une culture du tourisme.» En plus des prix abordables, c'est la facilité d'accès à ce pays voisin qui pousse les Algériens à s'y rendre. En effet, la Tunisie demeure parmi les rares pays qui donnent la possibilité aux Algérien de sortir du pays sans visa de circulation.

Quand Ghoul roule pour la Tunisie !

Seule ombre à ce tableau clinquant, nos témoins pointent les tracas au niveau des postes frontières aussi bien du côté algérien que tunisien. «Ça se voyait que les moyens mis pour l'accueil des touristes n'étaient pas à la hauteur du grand rush des Algériens qui ont vraisemblablement envahi la Tunisie. Les douaniers et les policiers des frontières, d'un côté comme de l'autre, étaient dépassés», souligne Salim qui lui aussi a choisi la Tunisie comme destination touristique pour ses vacances d'été.
Ce dernier qui s'est déjà rendu dans l'antique Carthage les années précédentes avoue que pour cette année c'est uniquement pour «soutenir nos frères Tunisiens que mes amis et moi sommes venus». Cela résume, en effet, tout.
En plus du peuple algérien qui a pris l'initiative de venir «au secours» des Tunisiens en multipliant des appels au soutien sur les réseaux sociaux, le ministre de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat, Amar Ghoul, a lui aussi appelé les Algériens à se rendre en Tunisie pour sauver leur tourisme, principale source de revenus économiques de ce pays voisin. Un paradoxe très algérien. Il est sans doute le premier ministre du tourisme au monde à avoir incité ses compatriotes à passer leurs vacances dans un ailleurs meilleur que ce qu’il leur offre en tant que premier responsable du secteur.        
 Thanina Benamer