jeudi 11 juillet 2013

YÉMEN : le démantèlement en cours …



"L'Irak est une guerre d'hier, l'Afghanistan est celle d'aujourd'hui et, si nous n'agissons pas de manière préventive, le Yémen sera celle de demain"Joseph Lieberman, président de la commission du Sénat américain pour la Sécurité,

Si ce pays, le plus pauvre du monde arabe, accueille des djihadistes depuis les années 1980, l'emprise d'Al-Qaïda et d'autres groupes terroristes semblent s'y être sensiblement renforcée ces derniers temps.

Depuis le mois de mars, une Conférence de dialogue national (composée de 565 délégués, représentant les partis politiques et les différentes composantes de la société civile) est chargée de préparer une nouvelle constitution et d’organiser des élections présidentielles avant février 2014. Dans l’éventualité où ce processus aboutirait, ces travaux mettraient fin à une période de transition de deux ans, initiée par le départ d’Ali Abdallah Saleh de la présidence du pays suite à une vague de manifestations intervenue dans le contexte du fumeux « Printemps arabe ». Le soulèvement des Yéménites contre l’ex président Saleh était appuyé et organisé précisément par le Qatar, avec le soutien discret de l’Occident. Le plan américano-israélien dedémantèlement du Moyen Orient suit son cours. Après le démantèlement de l’Irak, du Soudan, de la Libye, et en attendant (espère-t-on du côté  Américains+sionistes+islamistes) ceux de la Syrie et de l’Algérie, voici maintenant le tour du Yémen.


A l’image de la Tunisie, de la Libye, et de l’Égypte, l’Occident, ce grand défenseur de la démocratie, a gratifié le Yémen d’un président islamiste. Abd Rabbo Mansour Hadi, issu de l’aile du régime yéménite proche des américains, a été élu à 99,8% des voix au début de cette année 2013, score on ne peut plus "démocratique". M. Hadi était le seul candidat pour succéder à Ali Abdallah Saleh dans le cadre d'un accord de transition élaboré par les monarchies du Golfe, et dont le Qatar était le maître d’œuvre. Cette « élection virtuelle», avec un candidat unique et un bourrage éhonté des urnes, a été boycottée dans le Yémen du Sud. Dans cette partie du pays, ni la province de Saada (qui a proclamé son autonomie), ni les villes contrôlées par Al-Qaïda n’ont participé.


Un pays éclaté et en guerre civile

Cette "élection virtuelle" ne résout rien dans un pays profondément divisé.

1.              Les Nationalistes Arabes (les partisans du président sortant qui a capitulé – en échange d’une immunité et du maintien de ses partisans dans l’armée et l’appareil d’état - et de son « Congrès Général du Peuple », l’ex parti dirigeant) ;

2.              Les fondamentalistes soutenus par le Qatar et les USA (ceux du parti islamiste Al-Islah, hégémonique au sein de l'opposition),

3.              Les djihadistes d’Al-Qaïda (qui contrôlent plusieurs villes et mènent une insurrection islamiste radicale puissante). Pour ces affidés d'Oussama Ben Laden, marginalisés en Irak et cibles, au Pakistan, des raids quasi quotidiens des drones américains, le Yémen présente de nombreux atouts: une économie en ruine, un pouvoir central faible, des régions entières contrôlées par des tribus, d'autres en proie à la rébellion, des côtes infestées de pirates... Bref, les ingrédients d'un futur État "failli".  Cerise sur un gâteau yéménite pourri, le Sud est aussi un des bastions de la guérilla d’Al-Qaïda, qui, au Yémen, n’en est plus au stade du terrorisme mais à celui d’une insurrection sur le modèle afghan.  Fort de quelques milliers de combattants, ils ont pris le contrôle d'une demi-douzaine de villes et considérablement augmenté leur capacité de mobilisation dans le sud, dans l'est du pays et au nord de Sanaa. Leur bras social, les Ansar Al-Charia, imposent dans ces villes la loi islamique : la fameuse et sinistre charia.

4.              Au nord, à quelque 150 km de la capitale Sanaa, la rébellion chiite du mouvement houthi, entrée dans un cycle de violences contre l'État depuis 2004 » et qui « a profité de la contestation pour installer une République au nord, dans la province de Saada, qui est un quasi-État houthi de facto. Précisons en effet que la majorité des 19 millions de Yéménites sont de confession sunnite , tandis que les autres appartiennent à la branche Zaydi de l’islam chiite. Le conflit dans la province de Saada entre rebelles et forces gouvernementales soutenues par les États-Unis se poursuit de manière intermittente depuis 2004.

5.              Au Sud, où existait la République Démocratique Populaire du Yémen (1970-1994), capitale Aden, veut aussi reprendre son autonomie. En effet, la réunification de Nord et du Sud s’était faite par la force en 1994, après une guerre civile sanglante et dévastatrice imposée par Saana. Aden, l’ex capitale du Sud, qui était un port important à l’entrée de la Mer Rouge, est, depuis la réunification, devenue un repère de pirates et de mafiosi islamistes écumant les mers environnantes. Un Mouvement sudiste, né ces dernières années, réclame donc l'autonomie du Sud, mais sa tendance dure, dirigée par l'ancien vice-président Ali Salem Al-Baïd, milite pour une sécession et s'oppose au dialogue national.

Chez les membres d’al-Hirak, le mouvement pour l’indépendance, la réunification de 1994 est perçue comme une occupation : l’essentiel de l’appareil de sécurité et tous les gouverneurs de provinces viennent en effet du Nord. De plus, le mouvement est très critique envers le pouvoir de Sanaa, condamné pour son incapacité à régler les problèmes de discrimination, d’insécurité et de pauvreté de la région. Bien qu’il ne concentre qu’un cinquième de la population yéménite, l’ancien Yémen du Sud, par sa production pétrolière et grâce à la raffinerie et au port d’Aden, contribue à l’essentiel du revenu du pays.

Le Yémen :  grand exportateur de GNL

Depuis novembre 2009, le Yémen est devenu un exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) grâce à la mise en œuvre de nouvelles installations dans le Golfe d’Aden.

Notons également que le gaz yéménite présente bien des avantages en matière de qualité et de localisation géographique par rapport à ses principaux concurrents de la région (Qatar et Iran notamment, situés dans le Golfe persique) ….

A terme, la production devrait atteindre jusqu’à 6,7 millions de tonnes par an. Le GNL devrait être exporté en Corée du sud mais également en Europe et en Amérique du Nord. Le projet devrait générer sur 25 ans entre 30 et 40 milliards de dollars de revenus pour le Trésor du Yémen.  Au final, les exportations de GNL du pays équivaudront à 180.000 barils de pétrole par jour.
gisements de gaz et de pétrole

Syrie, Yémen, même objectif de démantèlement

Les USA et leurs alliés , désormais déçus de ne point remporter la guerre en Syrie changent de plan. Alors que les Yéménites continuent à protester contre la présence des GI's à travers tout le pays, de nouveaux contingents de marines viennent de débarquer au Yémen et d'être déployés sur la base militaire de la province de Lahaj au sud du pays (1800 GI's). Quelques 7000 marines sont actuellement présents au Yémen.

Mais pourquoi un si vaste déploiement?
Parce que la guerre contre la Syrie se complique de jour en jour et de nouveaux paramètres émergent. Les  Américains et leurs alliés semblent être convaincus qu'une guerre totale, mondiale, pourrait éclater et ils s'apprêtent à y faire face. Le Yémen est un pays hautement stratégique. Le vide sécuritaire laissé par les autorités yéménites, aussi incompétentes et inefficaces que les autorités islamistes tunisiennes ou égyptiennes, vient d'être rempli par les GI's accompagnés de leurs navires de guerre . Cela permettra aux Américains d'avoir le contrôle des détroits et des passages maritimes de cette région en prévision des combats à venir. Le Yémen contrôle, en particulier, le détroit de Bab-El-Mendeb.

Drones américains au Yémen 

Selon un rapport récent des Nations Unies, rédigé par Alkarama et Hood, il y a eu des frappes de drones américains sur le Yémen entre le 17 décembre 2009 et le 17 avril 2013 dans six différentes provinces. Ce premier rapport s'inscrit dans le cadre d'un projet visant à documenter ces exécutions extrajudiciaires et à appeler les autorités américaines et yéménites à ordonner l'ouverture d'enquêtes indépendantes, d'établir la responsabilité et de juger les responsables. Depuis la première frappe jusqu'au mois de mai 2013, il y aurait eu entre 134 et 226 opérations militaires américaines au Yémen comprenant des frappes par avions, par drones ou l'envoi de missiles de navires de guerre stationnés dans le golfe d'Aden. Le nombre de morts dues à ces assassinats ciblés est estimé à près de 1150. 
Le 23 mai dernier, le président américain Barak Obama rappelait l'objectif des « assassinats ciblés » par frappes aériennes : non pas celui de « punir des individus » mais d' « agir contre des terroristes qui représentent une menace continue et imminente pour le peuple américain ». Néanmoins, non seulement la définition de « terroriste » et de « combattant » reste problématique, mais aussi ces « cibles de haut niveau » ne représenteraient que 2% des victimes décédées suite à ces frappes aériennes « ciblées ». Quant à ces « terroristes », les charges retenues contre eux restent inconnues. 
Obama a en outre déclaré que la mort de civils constitue une « risque inhérent à toutes les guerres ». 

La messe est dite : un Arabe mort n'est qu'un dégât collatéral, et non un être humain.

Hannibal GENSERIC