jeudi 28 mai 2015

L’Empire anglo-sioniste et le monde arabe

Le couple mensonge-réalité virtuelle, créateur de réel
« Croyez- vous que des solutions efficaces puissent émerger d’une analyse judicieuses de la réalité observable ?" 
La question ci-dessus fut posée, en 2002, par le journaliste Ron Suskin au conseiller de W.Bush de l’époque, Karl Rove.
La réponse de ce dernier, ci-dessous, a été publié par le Wall Street Journal :
« En Vérité , le monde ne marche plus réellement de cette manière.
Nous américains , nous sommes maintenant un Empire et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez studieusement cette réalité, nous ne perdons pas de temp , nous agissons et nous créons d’autres réalités nouvelles qu’il vous est loisible d’analyser...
C’est ainsi que les choses se passent, pas autrement . Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire. A vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous créons. » (1)
Le néo-conservateur Karl Rove a le mérite d’être clair sur les intentions de l’Empire.
Agir là où un dirigeant manifeste une quelconque velléité d’indépendance et de souveraineté politique, affranchie de l’Empire.
Comment ? En créant les conditions qui légitiment une intervention militaire. Pour cela, les prétextes ne manquent pas : Droit de l’Homme, Droit Humanitaire...Avec ce que cela implique comme ’’fardeau civilisateur’’: Devoir d’ingérence, Responsabilité de protéger.
Mais il faut créer les circonstances qui pousseront le Chef suprême de l’Empire a donné son aval pour une intervention. Intervention qui ne peut-être au final que militaire parce que toutes les entreprises politiques locales ou internationales auront été sabotées. Et pour cause, l’agenda géopolitique de l’Axe du Bien, qui sera détaillé dans la deuxième partie ’’le politicide’’, obéit à des objectifs stratégiques théorisés voilà une vingtaine d’années. Pour le moment, revenons aux dites circonstances. Elles sont le fruit de mensonges et d’ omissions relayés, atténués, s’il le faut, et théorisés par les nouveaux chiens de garde, secondés par les nouveaux harkis de l’Empire.
Des exemples ? La Yougoslavie et le fameux charnier, l’Irak et les fameuses armes de destruction massive...le Soudan et l’usine de production d’aspirine.
Le concept de réalité énoncée par K. Rove peut-être illustré par le scénario suivant, le fameux ’’massacre à venir ’’ de la population de Benghazi :
’’Sur une dune du désert, un groupe de terroristes voulant protéger une population d’un massacre, convainquent un philosophe sans philosophie, consentant et travaillant pour Israël. Loin du désert, sur les plateaux télé du monde civilisé, des experts en géostratégie dont deux ou trois d’origine arabe palabrent sur la scène de la dune et finissent par suggérer que le ’’fou Kadhafi’’ en est capable. Miracle ! L’événement imaginé devient dans les esprits un événement certain. A l’Axe du bien de prendre ses responsabilités, la Responsabilité de protéger en bombardant afin que l’événement imaginé ne devienne un événement certain.’’
Il faut reconnaître que les dirigeants de l’État harcelé, boycotté et déstabilisé finissent par rendre le processus assez aisé à l’axe du bien. C’est ainsi que les ’’Printemps arabes’’ sont passés des mains de cyber-révolutionnaires, formés en Occident pour cela, aux rythmes de ’’Liberté, Démocratie et Dégage’’ à celles des contre-révolutionnaires islamistes au son de ’’Allahou Akbar pour un néo-libéralisme enveloppé dans le salafisme mais cependant sans entraves’’.
Bilan de l’opération, un mécontentement populaire réel, politique et social est détourné vers des fins politiques inavouables.
Rien à dire, c’est parfait ! Les dirigeants turcs et les monarques wahhabites ont offert aux théoriciens de l’Empire, le monde arabe comme laboratoire d’expérimentation du chaos.

Le politicide et son corollaire le sociocide

J’emprunte à Michel Raimbaud, auteur de l’excellent livre Tempête sur le Grand Moyen-Orient’ (3) la définition suivante : « le mot politicide s’applique à la destruction d’un gouvernement, d’un groupe social ou politique(...) ou d’un État. » (2) 
Quant au concept ’’sociocide’’, il fut utilisé pour la première fois par le palestinien Saleh Abdel Jawad, professeur au département d’histoire et de science politique de l’université Birzeit.
Il définit le sociocide comme un concept signifiant « la destruction totale des Palestiniens, non seulement en tant qu’entité politique ou groupe politique national mais en tant que société. Son but final est l’expulsion des Palestiniens de leur patrie (c’est-à-dire une purification ethnique totale ou à grande échelle). » (3)
Il n’est pas difficile d’imaginer que là où le Maître sème un politicide, la ’’plèbe’’ récolte un sociocide.
Revenons maintenant au Chaos qu’a semé l’empire du Bien en Libye. 
Tout un chacun, y compris les nouveaux chiens de gardes, reconnaissent que dans ce pays, l’Etat n’existe plus et que la population libyenne vit sous la coupe de bandes armées souvent rivales, terroristes, voire des trafiquants de drogues avec à la clef de nouvelles identités tribales ethniques ou religieuses. A cela, il faut ajouter les fortes émigrations vers les pays frontaliers où ils sont parqués dans des camps de réfugiés.
Destruction de l’État suivie d’une décomposition en profondeur de la société est ce chaos créateur dont ont rêvé Néo-conservateur et sionistes. J’ y reviendrai dans la troisième partie ’’Remodelage du Proche-Orient’’. Autre conséquence prévisible du politicide libyen et de celui qui est en cours en Syrie, les boat-people, qui se multiplient dans des conditions inhumaines au large des côtes méditerranéennes. Situations dramatiques auxquelles a contribué l’État français avec le consentement des dirigeants actuels. Malgré des lamentations de circonstances, ils ne peuvent effacer leurs implication. Opération militaire qui rappellent une chasse à coure où Qatar et Emirats Arabes Unis, jouèrent le rôle de valets achevant la ’’sale’’ besogne du Maître.
A ce sujet, il faut rappeler que c’est le détournement de la résolution N° 1973 du Conseil de Sécurité qui a servi de feuille de vigne à l’Axe du Bien pour s’alléger du fardeau de la ’’Responsabilité de protéger’’.
Concernant la Syrie, on a voulu faire de même. Plusieurs tentatives du même acabit menées au Conseil de Sécurité furent avortées. De toute évidence, il est difficile de tromper deux fois de suite et le Russe et le Chinois. Aussi, les lamentations occidentales et particulièrement françaises sur le calvaire du peuple syrien sont, pour le moins, hypocrites. On est en droit d’en douter, vu le satisfecit décerné par le ministre des Affaires étrangères, membre de la Fondation ’’Bilderberg’’, aux exploits de l’organisation terroriste le Front El Nosra parce que, paraît-il, ’’ses gars’’ « font du bon boulot. »
Mais ce ne sont pas ces petits détails qui vont faire douter nos nouveaux chiens de gardes. Eux, ils s’occupent de grande stratégie et elle vaut bien la célébration de la lune de miel entre le ’’Laïque socialiste’’ et le ’’ Wahhabite monarchique’’. Une victoire de la politique française, analysent-ils, tout en se frottant la panse pour la vente de pleins de Rafales aux financiers du terrorisme. Faisant mine d’ignorer que ce mariage n’a été consenti qu’avec l’aval du Maître et de l’État d’Israël.
D’une part, parce que l’État français est maintenant « fondu dans l’Otanie, avec son commandant en chef à la Maison Blanche. Il décide, et on fait (ou alors on ne fait rien) » (4) et [8].
D’autre part, dans les choix géopolitiques occidentaux, il y a un invariant, à savoir, défendre l’État d’Israël et assurer sa suprématie régionale. Cet ’’invariant israélien’’ passe, entre autres, par mettre ’’hors d’État’’ celui qui « ne mérite pas de faire partie de ce monde. »
Mais on a beau brandir les Droits de l’Homme, la Responsabilité de protéger et présenter le Président syrien comme un diable en puissance, la lune de miel entre le wahhabite et le socialiste sent littéralement le gaz. Et pour cause, « nos stratèges découvrent soudain la position -clé de la Syrie. Pour acheminer vers les ports méditerranéens et l’Europe le pétrole et le gaz de l’Iran, du Qatar, des compagnies américaines, de la Russie, la traversée du territoire syrien est un must. Il faut donc un accord avec la Syrie. » (2)
Problème ! Les Monarchies du Golfe et les occidentaux ont été éconduits, la Syrie de Bachar El Assad a choisi de faire affaire avec l’Iran et la Russie.
Cerise sur le gâteau, sous les pieds du peuple syrien, gît une gigantesque nappe de gaz avec des ramifications vers les pays voisins comme le Liban, Chypre, Gaza...Il y a de quoi rendre fous les membres de l’Axe du bien et ses ’’nouveaux harkis’’. Cela vaut bien un politicide et un morcellement de la Syrie !
Cependant, l’argument du ’’gaz’’ et de son ’’trajet est balayé avec dédain par les ’’toutologues’’ , comme les appelle Régis Debray, car, disent ces derniers, avec le gaz de schiste, les EU vont assurer bientôt leur auto-suffisance et même dans un proche avenir devenir exportateur. Sauf que dans la guerre pour l’énergie, l’Empire du bien ne se contente pas de ’’consommer’’, il faut aussi qu’il contrôle la ’’consommation’’ des autres. Autrement dit, pour asseoir sa domination, il faut faire obstacle à l’approvisionnement des rivaux orientaux de taille comme, par exemple, la Chine.
Ce qui nous conduit à la dernière partie.
Le bilan de deux décennies de politicide a été dressé par l’ancien Ambassadeur Michel Raimbaud. En voici un bref aperçu : « C’est ainsi que l’empire du Bien a inscrit à son palmarès plusieurs politicides, étapes d’un politicide global à l’échelle du Monde arabo-musulman. Il n’est nullement besoin d’être un amateur inavoué de conspirations pour constater que toutes guerres menées par l’Occident en Orient depuis 1990 forment un tout, chacune s’inspirant des précédentes et servant de répétition aux suivantes. »(2)
J’ajoute que nul besoin d’être complotiste pour affirmer que l’Arabie Saoudite fut un pilier dans l’élaboration de ce palmarès. Non seulement, elle a participé à la destruction de l’Irak, destruction qui s’est faite en deux étapes mais elle a collaboré avec les États-Unis pour déstabiliser l’Iran et son allié syrien. A partir de 2006, année qui a consacré le Hezbollah comme la pièce maîtresse de l’unité du Liban et de la résistance à l’État d’Israël, les États-Unis, avec la complicité de l’Arabie Saoudite, ont œuvré de concert pour limiter l’influence iranienne en Irak et au Liban en envenimant les tensions entre sunnites et chiites.
Comme l’affirmait l’éditorialiste du magazine New Yorker en 2007, « le Président Bush coopère ouvertement avec l’Arabie Saoudite pour mener à bien des opérations clandestines visant à affaiblir le Hezbollah. Ce qui a eu pour conséquence d’accélérer la formation de groupes extrémistes sunnites, proche d’Al-Qaïda. » (5)
Il est aisé de conclure que ces groupes extrémistes ont donné naissance à l’actuel Daech et à ses frères siamois dont les cellules dormantes dans la région tripolitaine (Liban) à majorité sunnite.
De plus, le journaliste appuie le fait que, dans le choix stratégique pour contenir l’Iran chiite, ce dernier fut considéré ’’ comme la plus grosse menace et dans une moindre mesure, les radicaux sunnites. c’est la victoire de la ligne politique saoudienne.’’(5)
Il va de soi qu’on ne peut exclure la patte israélienne dans ces enjeux stratégiques régionaux.
En effet, l’Arabie Saoudite s’y est attelé en conduisant avec Israël et je cite toujours le même éditorialiste : ’’ un nouvel accord stratégique en grande partie parce qu’il considèrent tous deux l’Iran comme une réelle menace.’’ (5)
L’ancien Président israélien, Shimon Péres, ne disait pas autre chose en 2010, dans un interview accordé au journal Le Monde. Je le cite ’’ La plupart des Arabes en sont profondément préoccupés. Ils ont peur d’une agression de l’Iran, et ils ne savent pas quoi faire... Israël n’est plus le principal problème pour eux, c’est l’Iran, qui utilise le conflit israélo-arabe comme une excuse pour ses ambitions...Ils ne le diront jamais ouvertement bien sûr. Mais aujourd’hui, les contacts secrets sont plus importants que les contacts diplomatiques. ’’ (6)
Mais à y regarder de plus près, à la lumière de l’article, publié en 1982 ,’’Une stratégie pour Israël dans les années 80’’, par l’ Organisation Sioniste mondiale (7), on assiste plutôt à la consécration et à la victoire de la géopolitique israélienne. En effet, tous les politicides passés, présents ou à venir sont décrits par l’auteur de l’article, Oded Yinon, Haut fonctionnaire des Affaires étrangères israéliennes. Seule la chronologie des événements fait parfois défaut. Dans l’énumération des politicides ou sociocides de Oded Yinon, manquait un événement essentiel à la mise en pratique de la théorie du chaos,à savoir l’effondrement de l’U.R.S.S.
Pour ma part, avec ce qui se passe en Irak, en Syrie, à la frontière libano-syrienne, en Libye et au Yémen, je ne prendrai pas à la légère la mise en garde du Secrétaire général du Hezbollah sur le danger d’une nouvelle Nakba. En tout cas, les organisations terroristes Daech, front El Nosra, Al-Qaïda, financées et armées par l’axe du bien, la Turquie, les Monarchies wahhabites et aidées par Israël œuvrent dans ce sens.
Et la place du peuple palestinien dans ce scénario ?
On peut compter sur les Monarchies du Golfe et l’Axe du bien pour apporter une réponse conforme à la vision israélienne de la question palestinienne. Déjà, ils s’affairent à mettre sur papier une autonomie administrative dans un territoire rétréci, morcelé et démilitarisé. Pour le droit du retour des réfugiés, une compensation matérielle sera suffisante. Quant à Jérusalem-Est, il faudra tirer un trait définitif.
A moins que l’Iran, l’Irak, l’armée syrienne et les forces de résistance arabes dont le Hezbollah, à l’aide de la Russie et des Brics, finissent pas mettre fin à la mise à mort de l’État syrien et par éradiquer les organisations terroristes...Une longue guerre s’annonce dont les frontières géographiques ne sont pas encore délimitées.

(2) Michel Raimbaud : Tempête sur le Grand Moyen-Orient. Edition, ellipses 2015.
(4) Régis Debray : “ Erreur de calcul ”. Monde Diplomatique (Octobre 2014)
(5) Seymour Hersh : The redirection : http://www.newyorker.com/magazine/2007/03/05/the-redirection
(6) Laurent Zecchini : Le Monde, 9/03/10.
Mohamed EL BACHIR
23 mai 2015


[8] Commentaire d'Hannibal Genseric
En ce mois de mai 2015, on voit ICI : le secrétaire général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg, la chef politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini et le commandant suprême des forces alliées de l’OTAN en Europe, le général Philippe Breedlove conduisant les ministres des Affaires Étrangères sur scène, bras dessus bras dessous, en chantant «We Are The World» : "Nous sommes LE MONDE". Ils veulent dire : "nous possédons le Monde et nous décidons pour Le Monde". Exit Chine, Russie, Inde, BRICS, Arabes, Africains, Asiatiques, et autres "sous-hommes"....