vendredi 9 octobre 2015

L’Empire le plus stupide de l’Histoire


La dérive de l’Empire vers de plus en plus d’idiotie m’a sauté aux yeux, ces dernières semaines. C’est l’Empire le plus stupide du monde. Il l’était certes déjà. Voici que les développements récents manifestent un saut quantique dans son niveau de bêtise.

Le premier élément de l’extrême bêtise a fait surface quand le général Lloyd J. Austin III, le chef du Commandement central des États-Unis, a déclaré lors d’une commission du Sénat que seul un très petit nombre de combattants syriens formés par les États-Unis sont actifs au combat, peut-être aussi peu que cinq [Même 4 ou 5 ?? selon le général pour être précis, NdT]. Le plan de formation et d’équipement a coûté 500 millions de dollars. cela fait 100 millions de dollars par combattant, mais bon, OK, parce que tout est bon tant que les contractants de l’armée qui assurent la formation sont payés. Les choses sont devenues encore plus stupides quand il s’est avéré plus tard que ces quelques combattants avaient même obtenu des voitures volées par ISIS / al-Qaïda en Syrie (quel que soit le nom qu’ils se donnent actuellement). Ils ont donc obtenu leurs véhicules et leurs armes via des prises de guerre d’ISIS/Daech.

Gen. Austin
Lt Gen Casey
Mars Attacks
Le précédent rôle du général Austin était celui du lieutenant-général Casey dans le film Mars Attacks de Tim Burton! C’était déjà un rôle très stupide, mais son rôle actuel est un véritable avancement de carrière, à la fois en terme de rang et en terme de niveau de bêtise.
Le point stupide qui a suivi est survenu lors de la réunion de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, où Obama, qui a parlé 30 minutes au lieu des 15 allouées (Mr Stupid President ne sait-il pas lire l’heure?), a réussi à utiliser la totalité de ce temps pour ne dire absolument rien de sensé pour qui que ce soit.
Mais c’est le discours de Poutine qui a mis la stupidité de l’Empire en pleine lumière aux yeux du monde quand il a grondé les États-Unis pour le bordel sanglant laissé au Moyen-Orient par leurs interventions maladroites. La citation souvent répétée est «Comprenez-vous ce que vous avez fait?» Mais ce n’est pas tout à fait exact. La citation russe «Вы хоть понимаете теперь, чего вы натворили?» peut être traduite plus précisément par «Comment pouvez-vous, même maintenant, ne pas comprendre quel bordel vous avez semé?» Les mots sont importants : ce n’est pas comme ça qu’on parle à une superpuissance devant une Assemblée des dirigeants mondiaux ; mais c’est comme ça qu’on passe un savon à un enfant stupide et capricieux. Cela a donné à l’Empire un air plutôt stupide aux yeux du monde entier.
La Russie a ensuite annoncé le début de sa campagne de bombardement contre toutes les sortes de terroristes en Syrie (et peut-être en Irak aussi, la demande irakienne est dans la boite mail de Poutine). Ce qui est remarquable au sujet de cette campagne de bombardement, c’est qu’elle est tout à fait légale. Le gouvernement légitime élu de la Syrie a demandé de l’aide à la Russie ; la campagne a été approuvée par le législateur russe. En face, la campagne de bombardement que les États-Unis ont mené en Syrie est, elle, totalement illégale. Il n’y a que deux façons de bombarder légalement le territoire d’un autre pays :
  1. une invitation du gouvernement de ce pays
  2. une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Les États-Unis n’ont obtenu aucune des deux.
Pourquoi est-ce important? Parce que l’ONU, et son Conseil de sécurité, ont été institués pour éviter la guerre, en rendant difficile pour les nations d’entrer en conflit militairement sans subir toutes sortes de répercussions économiques et politiques internationales. Après la Seconde Guerre mondiale, on pensait que les guerres étaient plutôt une chose désagréable et qu’il fallait agir pour les empêcher. Mais les États-Unis estiment tout cela inutile. Quand un correspondant russe (Gayane Chichakyan de RussiaToday) a demandé au porte-parole de la Maison Blanche en vertu de quelle autorité juridique les États-Unis ont bombardé la Syrie, il a d’abord fait semblant de ne pas comprendre la question, puis a balbutié avec incohérence, l’air plutôt ridicule. Vous voyez, les États-Unis aiment faire la guerre (ou plutôt, les sous-traitants privés aiment la guerre, parce que c’est ainsi qu’ils se font de l’argent avec lequel ils finissent par avoir à leur botte une grande partie du gouvernement américain). Mais les États-Unis ne peuvent pas gagner de guerres, ce qui rend tous leurs efforts criminels plutôt stupides.
En dépit des réticences américaines, l’ONU, dans les faits, empêche les guerres. Récemment, elle a empêché les États-Unis de réaliser une «frappe limitée contre le régime Assad en réponse à l’utilisation éhontée d’armes chimiques» (c’est ce qu’a déclaré M. Obama lors de son discours à l’ONU). Cela a été facilité par un jeu habile de la diplomatie russe, dans le cadre duquel la Syrie a volontairement renoncé à ses stocks d’armes chimiques. Sans se laisser décourager par la diplomatie, les États-Unis ont balancé une paire de missiles de croisière vaguement en direction de la Syrie, mais les Russes les ont rapidement détruits en vol, déclenchant une refonte majeure de la doctrine du Pentagone et, bien sûr, laissant les États-Unis plutôt ridicules, une fois de plus.
Mais une fois que vous vous êtes vous-même ridiculisé, pourquoi vous arrêter? En effet, Obama n’en montre pas du tout l’intention. Lors de l’audience de l’Assemblée générale de l’ONU, il savait que l’attaque chimique par le gouvernement syrien contre son propre peuple n’avait jamais eu lieu. Les produits chimiques ont été fournis par les Saoudiens et ont été involontairement utilisés par les rebelles syriens sur eux-mêmes. Mentir, quand tout le monde sait que vous mentez, et savoir que vous savez que vous mentez : qu’est ce qui pourrait, là encore, être plus stupide ?
OK, et que penser de la rhétorique continue sur la liberté et la démocratie au Moyen-Orient, après avoir jeté toute la région dans le chaos au travers d’interventions dignes d’un cerveau cliniquement mort? La seule voix de la raison aux États-Unis semble être celle de Donald Trump, qui a récemment déclaré que le Moyen-Orient était plus stable sous Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi et Bachar al-Assad. En effet, il l’était. Le fait que le seul politicien non stupide qui reste aux États-Unis est ce Trump, cette outre bourrée de fric, pompeuse et bavarde, donne une bonne idée de la bêtise du pays dans son ensemble.
Jacasser à propos de la liberté et la démocratie au Moyen-Orient est également stupide car toute la région est tribale, elle l’est depuis quelques milliers d’années, et elle le sera encore pour les quelques milliers d’années à venir. Dans chaque localité, une tribu domine. Si l’idée est de découper le territoire en unités souveraines (dont aucune ne se définit en tant que nation, parce que chacune finira par être multinationale), alors chaque unité territoriale finira par être gouvernée par une tribu dont les autres se plaindront. Il suffira d’exploiter leur grogne pour provoquer un changement de régime, et toute la zone brûlera toujours un peu plus.
Un exemple, Israël : c’est la tribu dominante – les juifs – et ils peuvent tirer sur des gens ou les bombarder en toute impunité. Ce pays est considéré comme démocratique parce que les juifs ont le droit de voter, ce qui est très bien pour eux. Les alaouites en Syrie ont le droit de voter aussi et ils votent pour Bachar al-Assad ; alors pourquoi n’est-ce pas assez bien pour eux aussi? En raison de l’hypocrisie américaine et des doubles standards.
C’est comme ça sur toute la ligne. L’Arabie saoudite est possédée par une tribu – la Maison des Saoud – et tous les autres y sont privés de leurs droits. L’Irak a été gouverné par les sunnites de la tribu de Saddam Hussein, mais les Américains les ont délogés, et maintenant ce qu’il en reste est gouverné par les chiites du sud du pays, tandis que les sunnites se sont enfuis et ont rejoint ISIS. Tout cela peut sembler super-simple, mais pas pour les Américains, parce que cela va à l’encontre de leur idéologie, qui dicte que le monde doit être refait à l’image de l’Amérique. Et ils continuent à essayer de le faire (ou à faire semblant d’essayer, parce que les résultats ne comptent pas pour autant que les sous-traitants de l’armée soient payés) et ils ne semblent pas se soucier du tout que cela les rend encore plus stupides.
Voici le modèle typique : les USA bombardent un pays jusqu’à le pulvériser, puis montent une invasion terrestre, mettent en place un régime fantoche et rapidement ou pas, se retirent. Le régime fantoche tombe en morceaux, et vous obtenez soit un chaos incontrôlable soit une nouvelle forme particulièrement mauvaise de dictature, soit un mélange de tout ça : un État défaillant, comme la Libye et le Yémen, et une grande partie de l’Afghanistan, de l’Irak et de la Syrie. Peu importe le résultat (aussi longtemps que les contractants de l’armée passent à la caisse) parce que la devise de l’Amérique semble être : «Ayons l’air ridicule et continuons». Ce pays est une épave en route pour la prochaine campagne de bombardement.
Mais c’est là que l’on atteint l’au-delà du stupide : en Syrie, ils ne peuvent même pas atteindre leur objectif. Les Américains ont bombardé ISIS/Daech pendant un an. Pendant ce temps, ISIS est devenu plus fort et a occupé plus de territoires. Mais ils n’ont pas pu renverser Assad ; à la place, les gars d’ISIS se divertissaient en caracolant dans le désert en 4×4 dernier modèle, vêtus de haillons à tête noire avec des baskets blanches,  prenant des selfies avec leur iPhone 6S dernier cri, détruisant des sites archéologiques, asservissant les femmes et décapitant ceux qu’ils n’aimaient pas.
Mais maintenant, il semble que les Russes ont réalisé en cinq jours de bombardements ce que les Américains n’ont pas pu faire en un an et les gars d’ISIS fuient vers la Jordanie ; d’autres veulent aller en Allemagne et demander l’asile. Cela a mis les Américains en colère, parce que, voyez-vous, les Russes bombardaient leurs terroristes [les terroristes modérés, NdT] ceux que les Américains avaient recrutés, armés et entraînés… puis bombardés.
 Je sais, c’est assez stupide, mais c’est ainsi. Les Russes ne font rien de tout cela, parce que leur approche est  que si ça ressemble à un terroriste et cancane comme un terroriste, alors c’est un terroriste, et on le bombarde.
Mais il est compréhensible que cette approche soit impopulaire auprès des Américains : jusqu’ici, ils fournissaient généreusement le champ de bataille en armes et en équipements, et il bombardaient soigneusement à côté afin de ne pas faire sauter tout ça; et les Russes n’ont pas fait gaffe et ont tout fait sauter! Les Saoudiens sont absolument livides, parce que ce sont eux qui ont payé pour ces armes. De plus, les terroristes sont leurs propres frères, des wahhabites takfiri, ceux qui aiment à déclarer aux autres musulmans qu’ils ne les aiment pas car ce sont des infidèles, en violation directe de leur propre loi de la charia. Cela vous rappelle quelqu’un? Quelqu’un de stupide?
Mais il ne semble pas que les États-Unis puissent faire quoique ce soit pour arrêter les Russes ou les Chinois qui veulent aussi obtenir une part d’ISIS à empailler, ou les Iraniens et les combattants du Hezbollah, qui sont prêts à marcher sur eux pour nettoyer ce qu’il en restera une fois que les missions de bombardement auront détruit tout le matériel de guerre qui avait été amassé. Et il est donc maintenant temps pour les Américains de commencer une guerre de l’information en accusant les Russes de causer des victimes civiles.
Bien sûr, étant Américains, ils doivent poursuivre cette guerre de l’information de la plus sotte des façons possibles. D’abord, ils vont vous débiter des réclamations sur des  victimes civiles frappées avant que les Russes ne fassent une seule sortie. Oups! Ensuite, ils vont farcir les médias sociaux avec de fausses photos d’enfants blessés produites au préalable par des acteurs en casques blancs payés par George Soros. Et puis, quand on demandera des preuves, ils refuserons d’en fournir.
Jusqu’ici tout va bien, mais on peut faire mieux, soyons encore plus stupides. Immédiatement après avoir crié haut et fort que les Russes tuaient des victimes civiles, les Américains ont fait sauter un hôpital en Afghanistan qui était géré par Médecins Sans Frontières, bien qu’ils aient été informés de sa localisation à la fois avant et pendant le bombardement. «Ne tuez pas des civils… de cette façon!» Pourrait-on imaginer chose plus stupide? Bien sûr qu’on peut : les États-Unis ont commencé à mentir sans complexe, même pris la main dans le sac: «Il y avait des combattants talibans se cachant dans cet hôpital !» – Non, il n’y en avait pas. «Les Afghans nous ont dit de bombarder l’hôpital !» – Non, ils ne l’ont pas dit. Bombarder l’hôpital est un vrai crime de guerre, dit l’ONU. Et ce sont les Russes qui vont maintenant être accusés d’être des criminels de guerre? Ne soyez pas [trop] stupides !
C’est vraiment difficile à dire, mais tout paraît possible désormais. Par exemple, les États-Unis ne semblent plus avoir de politique étrangère : la Maison Blanche dit une chose, le Département d’État une autre, le Pentagone une troisième, Samantha Power à l’ONU poursuit une politique étrangère de son propre chef en utilisant Twitter, et le sénateur John McCain veut armer les rebelles syriens pour abattre les avions russes. Armer les cinq qui n’ont pas rejoint ISIS ? [Ceux de la 30e division, NdT]. Voyons John, ne sois pas stupide ! En réponse à toute cette confusion, les marionnettes politiques de l’Amérique dans l’Union européenne commencent à être prises de convulsions et sortent du script, parce que le centre névralgique à Washington ne leur envoie plus de signaux clairs.
Comment tout cela va-t-il se terminer ? Eh bien, puisque nous devenons tous stupides, laissez-moi faire une humble suggestion : les États-Unis devraient bombarder tout ce qui bouge à l’intérieur de la Beltway [le périph de Washington DC, NdT], plus quelques comtés de Virginie [Langley, siège de la CIA, NdT]. Cela devrait dégrader de manière significative la capacité du pays à être extrêmement stupide. Même si cela ne fonctionne pas – et alors ? Après tout, il est clair que les résultats ne comptent pas. Tant que les contractants privés de l’armée sont payés, c’est tout bon.
Dmitry Orlov