samedi 1 avril 2017

Tillerson annonce en public le plan américain pour la partition de la Syrie



En visite en Turquie hier, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a déclaré deux choses importantes:
-    Le sort de la Syrie Bashar al-Assad est que le peuple syrien décide
-   Après la libération d’ISIS Raqqa doit être gouverné par des forces locales
Ensemble, cela signifie que les États-Unis renoncent à la guerre pour renverser le gouvernement syrien, mais leur guerre contre ISIS devrait entraîner une Syrie affaiblie et dépecée.
Ce n'est pas vraiment nouveau. Le fait que les États-Unis aient abandonné leur objectif initial  du « départ d’Assad » est apparu depuis un certain temps déjà.
De plus, dès le mois de novembre de l'année dernière, les généraux américains disaient qu’après la défaite d’ISIS, Raqqa serait gouvernée par les milices pro américaines locales plutôt que par Damas.
Ce qui est nouveau, c'est que cela a maintenant été dit en public, au plus haut niveau, et directement en face d'Erdogan.
L'ironie de la situation est que les États-Unis ne se sont pas fortement investis dans le partage de la Syrie mais, en réalité, ils ne savent tout simplement pas quoi faire.
Ils doivent vaincre ISIS car son existence en tant qu'état territorial actuel est un énorme défi pour leur prestige. Cependant, compte tenu de leurs propres préjugés et des exigences que leur imposent le lobby juif au nom des Israéliens, ils ne peuvent pas récupérer le territoire pour le bénéfice des pro-iraniens, des pro-russes, des pro Hezbollah ou de Damas (Alors qu’ils soutiennent un Irak pro-iranien). D'autant plus que depuis des années de matraquage médiatique, pour beaucoup d'Américains, Assad est littéralement Hitler.
Donc, pour les Américains, ce qu'il faut faire avec les zones libérées de la tutelle d'ISIS est un casse-tête chinois. Heureusement pour eux, les Kurdes ont une idée.
Les Kurdes syriens veulent le même statut que les Kurdes irakiens. Ils veulent un Kurdistan syrien fort et indépendant de facto avec ses propres forces armées et ses policières, mais qui fait néanmoins  partie de la Syrie pour rendre plus difficile aux Turcs de les envahir et de les sanctionner. Puisque les Kurdes peuplent trois enclaves distinctes qui ne sont pas contigües, les Kurdes ont aussi besoin des alliés arabes de la région pour s'étendre sur une grande partie de la terre majoritairement arabe. C'est leur objectif principal.
Leur objectif secondaire est de trouver des alliés. Ils ne veulent pas un retour du gouvernement central vers le nord et l'est de la Syrie. À cette fin, ils ont promu non seulement l'établissement d'une unité «fédérale» dominée par les Kurdes dans le nord de la Syrie, mais aussi l'établissement d'autres unités fédérales dominées par les Arabes ailleurs en Syrie, en particulier dans l'Est tenu par le SDF.
Les mots de Tillerson en Turquie signifient que, faute d'une meilleure alternative, les États-Unis sont maintenant d’accord avec l'ambition kurde. Vous pouvez vous attendre à ce que, une fois reprise à ISIS, Raqqa commencera à émerger en tant que capitale d'une unité «fédérale» majoritaire arabe alignée sur les Kurdes et soutenue par les États-Unis.
Ironiquement, le plus grand problème avec ce plan pour les États-Unis (en dehors de l'enthousiasme peu clair des Arabes locaux) n'est ni Assad militairement affaibli, ni la souveraineté syrienne qu'ils n'ont jamais respectés de toute façon, mais l'opposition enragée de sa principale alliée au sein de l’OTAN,  la Turquie.
Tillerson répétait toujours en Turquie qu'il s'agissait d'un "choix très difficile" à faire. Les États-Unis sont conscients que la transformation Ocalaniste proposée par les Kurdes de l'est de la Syrie va enflammer Ankara, mais ils estiment qu'il n'y a pas d'autre choix.
La nouvelle voie de Washington est mauvaise pour l'intégrité territoriale des États du Moyen-Orient, mais elle est également mauvaise pour le monstre connu sous le nom de l'OTAN.
Sans surprise, la Turquie a annoncé la fin de son opération Bouclier de l'Euphrate en Syrie.
Quelques formules pour sauver la face fleurissent ça et là mais, en réalité, cette opération fut un bide. Six mois pour mettre difficilement la main sur quelques arpents de sable au prix de pertes relativement lourdes. Certes, cela a empêché la jonction des cantons kurdes mais ces derniers n'en bordent pas moins la Turquie sur des centaines de kilomètres : parfaite base arrière pour le PKK.
Depuis le grand rapprochement américano-russo-syro-kurde sur le dos d'Erdogan, les options d'Ankara s'étaient réduites à peau de chagrin. Le sultan n'a fait qu'entériner ce que nous avons montré à plusieurs reprises : l'aventure néo-ottomane en Syrie est terminée. La goutte qui a sans doute fait déborder le vase a été l'établissement d'une base russe dans le canton kurde d'Afrin comme nous l'avions rapporté il y a une dizaine de jours.

Voir aussi :

Les colonialistes européens veulent sauver Daech/ISIS

Hannibal GENSERIC